CHAPITRE PREMIER
Une irrépressible angoisse tenaillait la population du globe. Dans les rues, sur les places publiques, aussi bien à Paris qu'à Londres ou à New York, la foule manifestait, houleuse et menaçante. Des cris et des imprécations montaient de la cohue à l'adresse des chefs d'Etat.
Dans toutes les capitales du monde, l'agitation grondait.
A Washington, des voitures de police munies de haut-parleurs patrouillaient le long de Constitution Avenue, Pennsylvania Avenue et autres grandes artères conduisant à la Maison-Blanche. Par moments, des groupes de manifestants se voyaient repoussés par les forces de l'ordre qui avaient bien du mal à contenir le flot ininterrompu d'hommes et de femmes brandissant des pancartes de protestation.
Des banderoles en calicot arboraient ces slogans : We want to live ! ([1]) Drop the bombs ! ([2]).
A Paris, les manifestants descendaient en rangs serrés les Champs-Elysées, stoppant la circulation et créant, tout comme aux U.S.A., en Angleterre et partout ailleurs, des embouteillages gigantesques. Des bagarres avaient fini par éclater, nécessitant l'emploi des lances à incendie pour disperser les manifestants.
Tandis que se développait l'agitation mondiale, à la Maison-Blanche, Franck Budinglow — président des U.S.A. — s'entretenait avec le président Pagès, chef des Etats-Unis d'Europe dont la capitale fédérale était Paris.
Entouré du secrétaire à la Défense et du commandant en chef des Forces Armées, le président Budinglow, assis devant l'écran de télévision montrant le visage anxieux du président Pagès, discutait avec ce dernier des événements qui provoquaient ces troubles.
— Je viens de recevoir un message de l'expédition Kariven-Burton. Les derniers vols de reconnaissance vont avoir lieu. Le dispositif destructeur prévu sera mis en place dès demain, le long et à l'intérieur des côtes antarctiques. Les chefs de l'expédition franco-américaine, Kariven et Burton, seront fin prêts d'ici à quarante-huit heures au plus tard. Toutefois, il nous reste encore à obtenir l'autorisation de Salisbury.
Le visage du président Pagès s'assombrit :
— Nos envoyés diplomatiques et les vôtres ne sont pas parvenus à fléchir l'entêtement de Carpenter, le président de la Rhodésie, qui influence aussi dans ce sens négatif la Zambie et le Malawi. Manipulée, la population refuse d'évacuer le sud du continent africain et s'oppose à notre projet de destruction de la calotte polaire antarctique.
— C'est insensé ! maugréa Budinglow. les rapports transmis par Kariven et Burton laissent clairement entendre qu'avant trois mois, l'augmentation du volume des glaces entraînera un net ralentissement de la rotation terrestre. Et d'ici à la fin de l'année, non seulement les saisons seront perturbées mais la terre risquera de basculer sur son axe ! Déjà, sa vitesse de rotation ralentit, la durée des jours augmente ; tornades, cyclones et ouragans ont fait leur apparition dans les contrées tempérées des Etats européens.
— Le président Carpenter n'ignore rien de la situation mais il prétend que nos géophysiciens s'affolent prématurément. D'après lui, le volume des glaces se désagrégera sous son propre poids et l'équilibre sera rétabli. Il refuse de faire évacuer la Rhodésie, sachant très bien que nous ne lâcherons pas les bombes H destinées à fondre l'excédent des glaces tant que la population reste en place.
— Nous ne pouvons évidemment pas sacrifier des millions d'innocents entêtés ! grommela le président Budinglow. En larguant nos bombes